jeudi 1 janvier 2009

Estelle Yomeda ::: une de mes chouShoes

Estelle Yomeda : Atypisme, métissage et séduction


Devient-on créateur de chaussures parce que l’on a baigné dans l’élégance depuis sa naissance et que le goût de la belle ouvrage coule dans ses veines ? Sur son berceau se sont penchées trois marraines intrigantes : atypisme, métissage et séduction. Que venait faire ce père togolais dans la région d’Alsace à la fin des années 60 ? Une allure folle dans ses costumes gris, promenant avec nonchalance son mètre 93, et séduisant une jeune fille issue d’un milieu d’artisans, parents réparateurs de bateaux sur le Rhin, grand-mère peintre, grand-tante modiste à Paris.

Atypique aussi, cette famille paternelle, rencontrée sur le tard, à l’âge de 23 ans, en Afrique. Une grand-mère Nana Benz (ces femmes africaines, négociantes en wax et roulant en Mercedes), position d’avant-garde dans un contexte fortement patriarcal. « Aujourd’hui, de l’Afrique, j’ai les couleurs, les tissus, les matières, une influence déterminante », confie-t-elle les yeux brillants. Sa collection été 09 est une ode à l'Afrique. D’autres influences, toujours mixées, le land art (Gerda Steiner / Jörg Lenzlinger et leur système nerveux végétatif), les traces épurées du peintre Cy Twombly, les extravagances surréalistes d’Elsa « shocking » Schiaparelli, l’onirisme décalé de Tsumori Chisato, la poésie fantomatique de Yoko Ogawa. Atypisme, métissage, séduction.
Atypique, aussi, le parcours. Plasticienne de formation, diplômée des Beaux-Arts de Strasbourg, Estelle Yomeda a traîné ses guêtres dans les ateliers de l’Opéra du Rhin : l’effervescence où s’affaire tout un monde de spécialistes rares ; un perruquier, un corsetier, un sellier, un bottier, des brodeuses, tous les métiers du luxe sont représentés. C’est la révélation : il est donc possible de réaliser des chaussures à la main dans un tout petit atelier.

Pour apprendre son métier de bottier, elle suit les ateliers libres de Maurice Arnoult, dont on a fêté le centenaire en 2008. Il n’y a pas meilleure école. Toute la chaussure de luxe parisienne est passée entre ses mains dans son atelier de Belleville. Cet art du sur mesure, elle le pratiquera pendant cinq ans chez elle pour une clientèle privée – parfois fétichiste, avant de dessiner et de produire pour YSL auprès d’Alexandre Narcy, les chaussures des podiums. "Ecole de rigueur, richesse des archives, premier contact avec le luxe."

En 1999, la boutique Onward à Saint Germain des Prés expose quelques-unes de ses pièces uniques qu’elle montre aussi au salon Workshop sous l’œil protecteur d’Hortensia de Hutten : aussitôt des clients japonais s’en emparent. Les pompons des prototypes étant chinés aux Puces, la production de centaines de paires l’oblige à les faire produire à la main. Le pas est sauté.

En 2000, la chanteuse Björk reçoit son Prix d’interprétation à Cannes chaussée de ces fameuses mules à fleurs démesurées : la photo fait la Une de la presse internationale et la griffe Estelle Yomeda part pour un tour du monde.


Mais les belles histoires ont aussi leurs déboires, leurs nuits d'insomnies, leurs angoisses et les décisions cruciales à prendre. Difficultés de commercialisation, problèmes de livraison ou de paiement. De saison en saison, Estelle Yomeda travaille sa marque autant que son style, apprend et renforce sa détermination.


Mais aussi de belles rencontres de collègues et de clients de tous pays, de journalistes et de décideurs de Mode et d'importantes collaborations avec d'autres sociétés comme en 2007/2008 pour une marque chinoise de chaussures de luxe.

Aujourd’hui, son vrai luxe, c’est surtout de pouvoir s’offrir une boutique à soi, sans soutien financier, « un sacerdoce, un don de soi ». Mais c’est le seul moyen de recréer un univers complet, de montrer les collections dans leur ambiance en laissant de côté les carcans d’influences et de tendances. Le temps, l’énergie? Un sacrifice indispensable pour le plaisir aussi du contact direct avec les clientes. Mais inutile d'insister, Estelle ne fait plus de sur-mesure.


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Pour l'automne hiver Estelle Yomeda poursuit sa recherche autour de lignes hyper graphiques et sensuelles et des associations subtiles de couleurs et de matières.
Le thème de la collection "Extravaganza" reflète toute la fantaisie et l'univers onirique de la créatrice. Elle revisite très librement les classiques. Et Schiaparelli lui inspire des nœuds en trompe l'œil, des bottillons sans couture, des salomés aux subtiles détails, et d'étonnants escarpins à talon compensés.
Collection Extravaganza H09

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