« Une
star, c’est quelqu’un qui travaille dur pour être connu et qui, ensuite, porte
des lunettes noires pour qu’on ne le reconnaisse pas ». Cette phrase de
l’humoriste américain Fred Allen peut faire sourire ; et si elle date des
années 50, elle reste ô combien valable : aujourd’hui, quand on est connu,
le simple fait de se promener en public sans lunettes noires semble constituer
un attentat à la pudeur.
Ce
qui est vrai pour nos vedettes, l’est aussi pour le commun des mortels. Les
marques ne s’y trompent pas et rivalisent de créativité sur un marché juteux en
progression constante.
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Sue Lyon
Lolita - Stanley Kubrick 1962 |
Objets
de désirs, les solaires ? Une vielle histoire. Sujette à fantasmes. Lancez
le sujet sur un réseau social, aussitôt chacun convoque sa vision des choses.
Parfois complètement sublimée. Les lunettes cœur de la Lolita de
Kubrick ? Une image d’Epinal qui s’inscrit durablement dans l’inconscient
collectif. Et bien je mets quiconque au défi de me citer une seule scène du
film où Sue Lyon les porterait. Des lunettes, oui, mais point de cœurs.
L’affiche et les photos de Bern Stern ont fait leur travail.
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Sue Lyon by Bern Stern
(tournage de Lolita - Stanley Kubrick 1962)
|
Nous
sommes bien face à phénomène qui a trait au mystère, à l’érotisme, à l’intime
et à la protection, et pas seulement contre le soleil. Et ce depuis 1917, date
à laquelle Giuseppe Ratti, photographe et opticien, innove à la demande des ses
amis pilotes. Sa marque Persol (per il
sole), entre dans la légende en 1961, avec le modèle PO 649 adopté par les
conducteurs de tramway turinois en 1957 et sublimé par Marcello Mastroianni dans
« Divorce à l’Italienne ».
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Steeve MacQueen / Crédits Photo Persol |
Modèle d’anthologie immédiatement copié et
diffusé comme une traînée de poudre jusqu’à la parade absolue : en 1968, Steeve McQueen, l’anti-héros suprême, inaugure
la version pliable (PO 714) dans l’inoubliable
« Affaire Thomas Crown ». Best-seller toujours d’actualité, le modèle
réédité en 2010 propose des verres bleus (les préférés de Steeve) et pas moins
de 4 flèches, emblèmes de la marque.
Le
cinéma a toujours été dans l’ADN de Persol. Dans les années 90, Ornella Mutti
lancera la PO 830 modèle féminin iconique dont, je l’avoue, je possède 5
paires.
Avec
sa collection Capri (sortie en février 2012), Persol convoque Godard et BB dans
un dialogue -hommage à l’architecture de la villa Malaparte. Redessinée, la
nouvelle Flèche Victor, suggère la forme de la villa, le Système Meflecto en C
suit les courbes de la terrasse, l’extrémité arrière des branches est gravée de
manière à imiter les escaliers menant au toit.
On pourra voir ici la magnifique animation autour de la villa et des correspondances avec le design des lunettes.
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Blondie |
Les renversantes années 80 préféreront Ray-Ban, 75 ans de succès cette année. QUI n’a pas
sa paire de Wayfarer, aujourd’hui disponible en couleur, crime de lèse-majesté
pour les rock-stars de l’époque, Blondie en tête ? Elles représentent
l'accessoire iconique ultime, rassemblant toutes les générations depuis
les années 1950. Elles symbolisent à elles seules l'intemporel style Vintage
Américain. Popularisées par de nombreuses personnalités légendaires, comme Bob
Dylan, John F. Kennedy, Audrey Hepburn, Tom Cruise, Don Johnson, jusqu’à Robert
Pattinson. Quand a l’Aviator,
modèle légendaire des cops US et des
pilotes de la Royal Air Force malencontreusement cataloguées Bling-Bling dans un passé
récent…
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AO 355 Mikli |
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Linda Farrow Vogue |
En feuilletant les revues de cinéma, on croise d’autres
noms, d’autres stars, et d’autres modèles qui racontent l’histoire du cinéma. Un
article n’y suffira pas, il faudrait une encyclopédie. Inoubliables Audrey Hepburn, Gina Lollobrigida, Faye
Dunaway... Inoubliable Jeanne Moreau, partie avec Wenders « Jusqu’au bout
du monde » mais jamais sans ses sunnies
(AO 355) dessinées par Alain Mikli. S’il revient aujourd’hui avec la collection
de Jean-Paul Gautier, il nous enchantait déjà en 1984 avec les libellules
pliables d’Issey Miyake. Plus près de nous, l’inénarrable Lady Gaga porte les couleurs de Linda Farrow, chantre
de la lunette vintage depuis presque trente ans.
Quand on est écolo et tendance slow conso, que fait-on? On peut évidemment acheter des lunettes second hand. Les Puces en regorgent et les modèles sont top. Mon amie Stéphanie qui roule en vélo et mène à fond de train son agence de communication responsable,
RendezVous RP, en possède des centaines. "Un joli moyen d'assortir mes tenues". Elle aussi, c'est "jamais sans mes sunnies". Elle les chine autour du monde, à l'occasion de ses innombrables voyages. Sinon, il existe une marque US qui fait vibrer les greenAddicts:
iWood. Lorsque vous portez une de leur paire, vous portez au bout du nez du bois de récup' des yachts les plus luxueux du monde. Une façon durable d'en mettre plein la vue !
Lunettes noires et mélancolie éteignent les couleurs du monde. Mais au travers, le soleil et la mort se peuvent regarder fixement (Le Grand Ecart, Jean Cocteau, 1923)
* Article non sponsorisé et enrichi sur la base de celui publié dans TL magazine #14 (avril 2012)
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