Quoi de neuf au pays des textiles du futur ? Souvent calqués sur l’observation de la nature (bio-mimétisme), ils flirtent avec la science-fiction. Loin du marché de niche, ces innovations représentent un potentiel de plusieurs milliards de dollars et embrassent des secteurs aussi différents que l’automobile, la cosmétique, la médecine, le sport ou l’aviation. Tour d’horizon.
Le développement des textiles intelligents (‘smart
textiles’) sert de ressort tant pour l’industrie que
pour le commerce, il est en pleine expansion.
Génération nomade oblige, la demande croît
pour des textiles non seulement conducteurs
d’électricité grâce aux nanoparticules présentes
sur des enductions, mais également capables
d’en générer par le mouvement des fibres
elles-mêmes. Une révolution indispensable à
l’heure des MP3, portables et autres téléphones
cellulaires.
Cependant, à en croire les experts,
le véritable potentiel de ce marché – en tenant
compte du vieillissement de la population
mondiale - résiderait dans les domaines de la
sécurité, de la santé, du fitness et du bien-être.
Des textiles intelligents que l’on pourrait diviser
en deux catégories : d’une part, les “smart textiles
passifs”, équipés de capteurs-électrodes capables
d’enregistrer les fonctions organiques du corps
humain pour servir de monitoring, ou encore
d’éléments de surveillance dans le cadre de
bâtiments ; d’autre part, les “smart textiles actifs”,
qui, non seulement, enregistrent les changements
environnementaux, mais peuvent réagir en
fonction, pour ajuster l’autonomie d’un bâtiment
en matière de chauffage par exemple, ou des
besoins spécifiques en éclairage.
C’est ce que les visiteurs du salon allemand Techtextil
à Francfort ont pu constater au mois de mai 2011,
et les Prix décernés lors de cette édition le prouvent.
Une équipe européenne (Allemagne, Suisse, Pays-Bas
et Suède) a remporté le Prix ‘Safety + Protection’
pour un textile de bagage à l’épreuve des explosions
garantissant la sécurité des passagers. Extrêmement
résistant, flexible et ultra léger, Fly-Bag atténue
l’impact de l’explosion et contrôle les émanations de
gaz toxique. De plus, son extrême solidité empêche
l’appareil.
Primée dans la catégorie Architecture, une
façade bionique qui procure de l’ombre, directement
inspirée par la nature sur le modèle du Strelizia
Reginae, la fleur oiseau de paradis. Constituée d’une
structure polymère doublée de plastique renforcé
de fibre de verre, Flectofin permet des déformations
élastiques jusqu’à un angle de 90°, pour des
secondes peaux positionnables en escaliers ou
encore liables entre elles.
Le défi de l’eau
L’eau sera le prochain challenge de l’humanité. Les
chercheurs allemands de l’université de Tübingen
proposent un textile 3D capteur de brouillard. Projet
issu du bio-mimétisme, FogHa-TiN s’inspire de
l’habileté des plantes à collecter et à rapidement
utiliser l’eau de l’atmosphère (brouillard, pluie,
rosée). Une technologie utile pour l’irrigation agricole,
mais également pour des applications
techniques comme l’économie de lubrifiants ou de
refroidisseurs de moteurs. Plus près de la peau,
ce tissu léger en polyester micro-encapsulé, à
changement de phase (PCM), d’abord développé
pour la NASA, qui absorbe l’humidité ; ou encore le
Pyro-tex – nouvelle fibre sécurité ultra résistante au
feu, à l’acide, aux solvants et aux UV – labellisé Oeko-
Tex, ne produit pas de fumées toxiques, accepte
très bien la teinture, peut être produit sur tous les
métiers connus ou être converti en non tissé, seul ou
mélangé à d’autres fibres naturelles ou artificielles.
Eco-conscience et audace
Le salon Première Vision décerne depuis ses trois
dernières éditions des Prix très attendus. Placé cette
saison sous la présidence de Roland Mouret, les Prix
PV se divisent en 4 catégories : le Grand Jury Prize,
pour le tissu le plus exceptionnel de la saison,
le Handle Prize, pour le plus étonnant par ses qualités
tactiles et comportementales, l’Innovation Prize,
pour le plus innovant, technologique et créatif, et
l’Imagination Prize, pour le plus audacieux, le plus
surprenant en matière, technique, décor ou finissage.
Parmi les exposants qui présentent leurs collections
automne-hiver 2012-13, 23 font leur entrée au
salon et 8 sont de retour après plusieurs sessions
d’absence.
Parmi eux, des marques significatives et
symboliques, telles que les Italiens Guabello, Marlane,
Tallia di Delfino (Biella Manifatture Tessili, Marzotto
Group). Des marques de luxe, comme le Péruvien
Incalpaca, le Britannique John Foster, les Japonais
Hayazen, Premium Linen by Tamurakoma pour leur
développement lin-cachemire, Ja Fabric by Takisada
Nagoya.
Dans la catégorie tissus écologiques,
Fordiano Riccardo avec des fils sophistiqués, des
développements en coton bio, ortie ou algue ;
et dans la catégorie tissus techniques, Singtex
Industrial et ses développements utilisant le marc
de café pour le sport. Car les fibres naturelles ne
sont pas en reste. Pressés par la demande pour des
tissus plus respectueux de l’environnement et de la
santé, les tisseurs dévoilent des éco-finissages, ou
des alternatives notoires aux fibres synthétiques,
notamment pour les tissus outdoor. Du lin déperlant
et résistant aux moisissures chez Elitis ou Libeco, aux
enductions maintenant sans phtalates, ou des denim
100% lin ou chanvre enduits à la résine de pin (les
jeans suisse KoHzo). À noter également, le grand
retour des teintures naturelles (toiles de Mayenne)
sans chrome et l’arrivée d’encres gonflantes sans
phtalate et sans PVC, une innovation Deltracon.
Le mirage des cosméto-textiles
Issu des recherches conjointes des Belges de
Luxicon avec le tisseur français Sofileta, un fil confort
nouvelle génération (le Luxicool) que l’on peut tisser
et tricoter, promet une absorption et une évaporation
constante, destiné donc à un usage plutôt sport ou
pour des conditions climatiques extrêmes.
Mais qu’en est-il alors du marché des cosmétotextiles ?
Certains experts parlent d’un potentiel de 500 millions d’euros
à l’horizon 2013, autant dire demain matin. Un
marché alléchant tant pour l’industrie textile que pour
l’industrie cosmétique, et un sacré vecteur marketing
face à la demande croissante de produits anti-âge, audelà
des facteurs de confort et de bien-être. On trouve
sur le marché des produits aux promesses diverses :
culottes anti-cellulite, maillots anti-UV permettant
paradoxalement de bronzer ou de faire un jogging
hydratant. Des produits dont l’efficacité reste encore
à prouver mais appelant souvent des prix Premium.
Alors la question se pose. Réelle innovation ou miroir
aux alouettes ? L’avenir le dira.
Catherine Dauriac
Article paru en septembre 2011 dans le magazine TL
1 commentaire:
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